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Malaise dans les hautes sphères de La Poste

Alors que les suicides de postiers s’accumulent, c’est maintenant la direction de La Poste qui est touchée par le décès de Nicolas C., cadre stratégique du groupe, qui a mis fin à ses jours le 25 février dernier. L’Humanité a recueilli les témoignages de hauts cadres prêts à briser la loi du silence. 

Il y a une quinzaine de jours, des milliers de postiers ont reçu dans leur boîte aux lettres le magazine Dialoguer pour agir. Dans un édito lyrique, Jean-Paul Bailly, PDG du groupe, expose sa volonté de « faire de La Poste une entreprise pionnière en matière de qualité de vie au travail ». Cette publication a été coordonnée par Nicolas C., cinquante et un ans, cadre stratégique en charge de la communication interne à La Poste. Le 25 février, il a mis fin à ses jours.

Après les suicides de cadres en régions, de facteurs, de guichetiers..., le siège de La Poste, boulevard de Vaugirard dans le 15e arrondissement de Paris, n’est plus épargné par les drames. Nicolas C. avait son bureau au sixième étage, à quelques mètres de celui du PDG. Décrit comme « compétent », « bosseur », par ses collègues, cet ancien journaliste travaillait depuis une dizaine d’années dans le groupe. En arrêt maladie pour burn-out, il s’est suicidé avant de pouvoir réintégrer ses fonctions. Depuis l’automne, Nicolas C. avait eu une promotion. Revers de la médaille, il s’est retrouvé avec la charge de travail de deux postes.

Comme l’explique Gérard (1), cadre supérieur de La Poste, son rôle de responsable des publications internes n’était pas de tout repos. « Nicolas était en première ligne, il devait faire face à beaucoup de pressions et gérer les ego. » Au carrefour des grands dirigeants du groupe, il était dans l’œil du cyclone. Françoise, haut-cadre du siège, confirme : « Il avait sept personnes sous ses ordres, il était anxieux, il s’est retrouvé seul alors qu’il aurait eu besoin d’être épaulé. Gérer la communication interne, c’est extrêmement compliqué quand on édite un des plus grands journaux d’entreprise de France avec plus de 260 000 lecteurs. »

Un mal-être palpable

Mais La Poste se refuse à faire le lien avec les conditions de travail. Pourtant, au siège, vaisseau amiral du groupe, le mal-être est palpable. Et les langues des hauts cadres commencent à se délier. Marie, cadre supérieure, raconte : « Beaucoup de monde est en souffrance, d’autres sont partis. Pendant des années, j’étais en suractivité, contente de bosser, puis j’ai fait un burn-out. En face, il n’y a pas de compréhension. Il faut briser cette loi du silence à La Poste. »

Françoise a elle aussi craqué, victime d’épuisement professionnel. À 8 heures du matin ou à 23 heures, elle était bombardée de mails et de textos par sa hiérarchie. La peur de recevoir un message était devenue « obsessionnelle ». « On a des objectifs à tenir, mais la manière dont on travaille n’intéresse personne. C’est comme si on était robotisé ! À la direction, on voit les gens tomber comme des mouches. Le climat est délétère, tout le monde se méfie de tout le monde. »

Au printemps 2012, après les suicides de cadres, une commission du « grand dialogue », dirigée par Jean Kaspar, avait été instaurée. Elle s’est soldée par la signature par certains syndicats d’un accord sur la qualité de vie au travail. Au siège, des groupes de parole ont permis aux cadres de lâcher du lest. « Ça a suscité de l’espoir, mais le malaise est toujours là, c’est tout un système qui doit être mis au rebut. Il faut tout rebâtir », souffle Marie.

Au sein de La Poste, des problèmes d’organisation existent. Tous dénoncent l’absence de réelle structure de ressources humaines. Comme le raconte Françoise, « les RH s’occupent plutôt de l’administratif. Si on a un problème avec la hiérarchie, on n’a personne avec qui en parler. Pour la médecine du travail, c’est un autre problème, elle n’est pas externe au groupe. C’est dur d’évoquer ses soucis, de peur qu’ils soient connus ». Des RH de proximité sont prévus dans l’accord sur la qualité de vie au travail. Mais, pour l’instant, ces cadres ne voient pas la différence.

Un sentiment de vide

La « métiérisation », c’est-à-dire la séparation des différents secteurs d’activité et leur relative autonomie, en vigueur à La Poste depuis 2002, a aussi laissé un sentiment de vide stratégique. Ces responsables sont aux premières loges pour le constater. « Le courrier, La Banque postale… chacun fait ce qu’il veut, il n’y a pas de recherche et développement, on n’a pas de feuille de route, on ne sait pas où on va », soupire Françoise.

En dix ans, plus de 80 000 emplois ont été supprimés d’après les syndicats. Et le malaise social a contaminé l’ensemble du groupe.

Perte de repères

Pour Bernard Dupin, administrateur CGT, « avec les restructurations permanentes, les postiers perdent leurs repères et leurs valeurs ; le seul but de La Poste est la recherche de dividende. Il faut arrêter les réorganisations et se demander quel service public on veut pour l’avenir ! Combien de suicides va-t-on attendre avant de parler de ce qui se passe ? On se demande ce que fait l’État, actionnaire majoritaire, pourquoi il n’intervient pas. La Poste, elle, est toujours dans le déni, c’est infernal ». De son côté, le groupe a confirmé que le CHSCT avait diligenté une expertise indépendante pour analyser les conditions de travail au sein de la direction où travaillait Nicolas.

Mais l’attitude de La Poste après le drame a jeté un froid entre ses murs. Dans un article du Parisien.fr, Bernard Dupin rapporte que le PDG aurait évoqué les suicides comme « des drames personnels et familiaux où la dimension du travail est inexistante ». Des propos depuis démentis par La Poste, mais qui ont choqué le frère de Nicolas C., qui a adressé un courrier explosif à Jean-Paul Bailly : « Comment osez-vous ? (…) Vous êtes dans votre rôle de président, de ces dirigeants qui font passer leur image avant leur conscience, leur poste avant leur morale. (…) Je suppose que c’est aussi votre travail qui vous a empêché de prendre votre téléphone pour essayer de réconforter sa femme et sa fille de dix-neuf ans ? (…) » Contactée par l’Humanité, La Poste nous a adressé ce commentaire : « Concernant Nicolas, notre attitude est de soutenir ses proches et ses collègues et de respecter sa mémoire. »

Désarroi En milieu rural aussi
Deux agents de La Poste ont entamé lundi matin une grève de la faim à Saint-Léonard-de-Noblat (Haute-Vienne) pour protester contre la suppression de trois contrats à durée déterminée (CDD) et défendre la vocation de service public de leur bureau en zone rurale. Les deux postières qui continuent à tenir leur guichet entendent aller au bout de leur démarche, « jusqu’à l’épuisement s’il le faut ». Une réunion entre la direction, les grévistes et les syndicats devait se tenir hier en fin d’après-midi.

(1) Tous les prénoms ont été changés.

Cécile Rousseau

Article tiré de l'édition papier de l'Humanité du 13/03/2013 : 

http://www.humanite.fr/social-eco/malaise-dans-les-hautes-spheres-de-la-poste-517311

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Malaise dans les hautes sphères de La Poste

le 13 March 2013

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